Juin/Juillet

Mercredi 13 juin, 1h30
Plus grand chose à inscrire : la désertification relationnelle suit son cours. Après un voyage avec Ettéragram aux environs de Grasse, le week-end dernier, décision, provoquée par mes soins, de cesser cette relation.
Après aveu de mes sentiments à Elo (confirmation pour elle) en forme de soulagement sans illusion, je sens poindre une distance que je ne chercherai ni à atténuer, ni même à analyser.
Un vide généralisé donc, qui n’appelle plus de moi aucun épanchement. Un avant-goût de néant qui s’imposera outre tombe.

Jeudi 14 juin, 0h50
Un refuge spirituel de taille avant de laisser mon cérébral pondre ses crottes oniriques : Nietzsche. Quelques pages de sa Généalogie de la morale pour creuser les origines des notions du bien et du mal. A la fin de son avant-propos, le penseur allemand doute de la lisibilité de certains de ses écrits, notamment ceux constitués d’une suite d’aphorismes. Il décèle une tare de taille dans la démarche intellectuelle de chacun : l’absence de « rumination » de la pensée ingurgitée. L’aphorisme est la partie conviviale (donc émergée) de l’iceberg dont il faut reconstituer le corps pour en saisir toute l’amplitude et la profondeur. Zarathoustra reste ainsi dans l’ombre pour ses neuf dixièmes.
E-mail de Shue (je suis invité un week-end du début juillet) qui m’apprend que la fervente Marie s’est bien plue dans la communauté intégrée et qu’elle va probablement y rester. Je lui souhaite bien sûr tout l’épanouissement escompté.


Vendredi 15 juin, 1h30
Je m’accorde des journées-farniente au parc de la tête d’Or, à lire sous les rayons quelques rapports de stage d’étudiants GACO (soutenance la semaine prochaine), des textes littéraires et poésies pour des préparations à l’oral de français et la fin de l’efficace Revel.
Eu la joyeuse et revigorante Lise avec qui je vais former le jury pour deux soutenances lundi prochain. Elle a cette finesse intellectuelle qui renouvelle chaque instant partagé. Quel dommage qu’elle ne corresponde pas à mes goûts physiques... encore que de jolis atours ne manquent pas... mais je ne me sens pas transporté... Incurable caractère d’insatisfait que le mien. Je mérite bien ce célibat forcé.
Vu une bonne partie de l’émission réalisée par Ardisson sur Gainsbourg, quinze ans après sa mort : quel prolifique créateur, élégant et désespéré de cœur, courageux (cf. son concert devant les paras à Strasbourg...).
Jeudi 21 juin, 0h30
Retrouvailles et conversion à l’amitié affective ont permis de revoir Manon dans d’idylliques conditions de complicité. Avec deux de ses amis, une soirée gourmandise de la chair au Resto-boucherie dans le vieux Lyon. Un morceau du boucher d’une finesse exceptionnelle, le Merlan, saisi et agrémenté d’une sauce Saint-Marcellin. Délice !
Comme un écho préalable de l’harmonie cultivée : le déjeuner lundi dernier avec la brillante Lise. Un désert sentimental compensé donc par de vraies accroches humaines.

Dimanche 24 juin, 2h du mat.
Le culte du désert affectif s’intensifie. Passons sur les gens du Nord qui n’évoquent plus qu’un souvenir détaché. Face à la trahison, je n’ai plus aucune motivation pour me manifester. Je vise là, bien sûr, le noyau dur restant d’Au, mais mon retrait, mes silences se sont étendus.
Quelle écriture de merde depuis quelques temps. Du truisme sans relief ce pseudo-journal aussi je devrais l’abandonner. Sans intérêt.
A Lyon, l’isolement n’a jamais été aussi prononcé. Aucune amitié véritable, aucun amour en vue, aucune affinité de quelque sorte. Je me coupe du reste du monde dans un masochisme autodestructeur. Rien à construire, nib à laisser, je suis déjà crevé, bouffé, anéanti.
Mes lectures compensent un peu cette non-vie.

Jeudi 28 juin, 0h23
Rythme écartelé dans le suivi de ces pages, conséquence d’une existence de reclus volontaire qui n’offre plus d’attrait pour la plume.
Pas mécontent de ma prestation téléphonique de ce soir faite à Carine, l’étudiante en puériculture de 26 ans rencontrée au parc. Après une nuit partagée le lendemain soir, je me devais d’éclairer la jeune femme sur les possibles à entrevoir avec moi. L’impossible dimension sentimentale réduit la perspective à la simple relation amicale et/ou au partage charnel. Je me forge peu à peu une facette caractérielle d’insensibilité à l’autre. Les désillusions sur celles qui auraient pu m’accrocher m’incitent à creuser la fosse protectrice entre moi et alentour. En même temps, je sais apprécier et analyser avec moult détails la teneur de mon goût sexuel pour tel ou tel aspect de la femme. Ainsi, Carine m’a offert une antre de la plus fine espèce pour y plonger de tout son visage, s’y frotter, la laper... rien de commun avec Ettéragram qui puait la femelle, même au sortir de la salle de bain. Carine semblait très étonnée qu’on puisse être aussi transparent à son égard, elle qui n’eut jamais avec son ex de telles conversations.
Pour ma part, cela fait belle lurette que la décence m’apparaît comme un tortillement hypocrite d’une société coincée. Aucun terme, aucune démarche intellectuelle ne m’effraie, je reste curieux a priori.
L’université de Lyon III fait encore parler d’elle comme favorisant les réseaux d’extrême droite en son sein. Sa direction vient toutefois d’annuler le mémoire du « révisionniste » qui avait obtenu la mention très bien. Une façon commode pour tenter de se racheter une virginité idéologique.

Mardi 3 juillet
Les deux étudiantes que je suivais en philo, d’assez près pour Anne B. et d’assez loin pour Elo F., ont eu leur bac avec un onze dans la matière, ce qui les a pleinement satisfaites. Je serais peut-être invité demain pour fêter l’événement chez les F.
Aucun allant pour le suivi de ces pages. Plus grand intérêt pour moi. Je me dépassionne de tout ce qui pouvait un chouïa justifier mon existence, ou tout au moins me la faire tolérer. Ma phase de liquéfaction s’amorce...
L’ordre international prétendu nous propose une nouvelle guignolade : Milosevic au tribunal. Combien resterait-il de dirigeants, au fronton de l’intégrité, sans tache de sang si l’on devait poursuivre tous ceux ayant commandité des meurtres, tueries, exterminations, ou ayant fait preuve de complaisance pour ces actes... Même notre sympathique Chirac, attaqué de toutes parts via le pouvoir judiciaire, n’a pas hésité, au nom de la sacro-sainte raison d’Etat, à se rendre aux funérailles du criminel-dirigeant de Syrie... tout cela parce que ce pays serait incontournable... Avec ces raisonnements on ridiculise l’embryonnaire justice pénale internationale qui devient de pure convenance... avec ses méchants et toute la clique des intouchables. La justice pour l’exemple ne vaut pas mieux que les exécutions sommaires. Le droit international n’étant pas le même pour tous, Milosevic, probable sanguinaire et tout coupable qu’il soit, a eu raison de ne pas reconnaître la légalité du TPI.

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